12.9.

Blog, c'est-à-dire journal.

Obligé de s’y tenir. Pas le choix. D’emblée, chose publique. Publiée. Peut-être, c’est moins sûr, lue. Et donc obligé.

Portraits, je l’ai voulu. Dans une période où j’avais décidé de remettre en cause, ou en question, mon travail théâtral, j’ai sans savoir pourquoi, peut-être même sans bien réaliser ce que je faisais, mis sur pieds cette chose-là, dont mon travail s’absente. J’ai voulu (sans doute), laisser un peu la place ; dire que ce que je fais est fait aussi du travail des autres. Je ne suis pas que ce que je fais, mais aussi ce que je regarde, ce que j’écoute. Ou plutôt j’ai besoin de regarder, d’écouter pour faire. En tout cas je me dis ça, aujourd’hui.

Revenons en arrière. (C’est quoi cette forme bizarre de la première personne du pluriel, cette coquetterie inutile ?) Je reviens en arrière:
Janvier 2007.
Donc, il y a 9 mois. Le Mardi à Monoprix. Ou comment le dernier spectacle d’une compagnie dont j’avais décidé d’arrêter les activités est devenu, volens nolens, le premier spectacle, ou plutôt le premier acte d’une période qui s’ouvrait, neuve, incertaine.

13.9.

Marvejols. Aujourd’hui 13 septembre, travaux de peinture à La Boutique. Demain deuxième couche. Prévoir le nettoyage du sol.

14.9.

Difficile de s’y tenir. Prévisible. Trop de travail dans la journée et sans doute aussi la peur.

Deuxième couche passée. A suivre.
Préparatifs d’organisation : les rendez-vous pour Darley, pas si facile à obtenir, les gens ont souvent peur, ou sont intimidés : parler à un écrivain, j’ai rien à dire. Ou d’autres raisons, inconnues. Pour les magasins, ça avance. Les vidéos seront bien diffusées en vitrine. Pas de problème de télés, certains la fournissent ; il faudra sans doute acheter en revanche des lecteurs DVD. La plaquette du TMT est corrigée, l’impression est lancée. Jolie. Les pages Portraits y sont repérables. Ca c’est fait. Reste la documentation Portraits à mettre sur pied, on n’est pas en avance.

Le Mardi à Monoprix, il y a neuf mois : la sensation avant même le début des répétitions (courtes, 15 jours seulement), de ne pas vouloir construire un spectacle, peut-être même de ne pas désirer parvenir à un spectacle, mais de laisser aller la rêverie autour du texte. Cela importait : laisser aller. Pas chercher à, pas vouloir à tout prix, pas chercher une issue. [Si je disais quelque part il y a une issue, le reste viendrait. Qu’est-ce que j’attends donc pour le dire ? De le croire ? SB] Voie sans issue, en exergue de tout texte. L’impossible représentation de ce que pourtant l’on va jouer. Il faut l’accepter. Voici neuf mois, monter un spectacle n’avait plus pour moi l’importance que ça avait du temps de Labyrinthes. L’histoire de Labyrinthes était (dans ma tête) finie. Le Mardi à Monoprix existait pour lui seul. J’existais pour moi seul. Prouver n’avait plus de sens. " Mettre en scène " même devenait une expression douteuse.

Il s’agissait juste d’écouter. L’histoire de Marie-Pierre, homme devenue femme, ou plutôt femme ayant été homme, cette histoire de transition, d’oscillation entre des identités qui s’opposent et sont indissociables ; cette tentative d’être ; cette lutte pour affirmer un prénom ; cet abandon de ce qu’on a été. Laisser résonner ça, et trouver l’écho, la note harmonique.
Ainsi Le Mardi a-t-il été le terrain d’une expérience nouvelle du plateau, pressentie sans doute avant, dans d’autres spectacles, mais de façon diffuse, il faudrait prendre le temps d’y revenir.

15.9.

Petite virée en Bretagne, deux jours, pour jouer à La Roche Jagu (Côtes d’Armor), le spectacle par lequel se conclura Portraits, le 25 janvier : Bachelard.

Hier soir, reçu un coup de téléphone de M.C., du Portugal. Le Mardi se reprendra à Porto, le 22 février prochain. On tourne autour du pot, tout est parti du Mardi, tout revient (sans que j’y sois pour grand-chose) au Mardi.

Qu’est-ce qui se cherche, là ?

Je regardais des livres d’images. Comme souvent. Pour aborder une pièce, feuilleter est nécessaire, jusqu’à ce que les yeux se fixent sur une image, on ne sait pas encore pourquoi, mais une porte s’est ouverte, on s’engouffre. Bien sûr on ne feuillette pas au hasard. Au départ il y a une orientation, idée, image, rêverie nées du texte. Ici, le tableau de Hopper duquel E.D. est parti, Cinéma à New-York. Ensuite, je ne sais plus comment ça a évolué, Bacon, Giacometti se sont glissés, puis très vite la photographie, personnages isolés, renvoyés à leur solitude. S’est superposée à cela la très vieille admiration pour les Madones de Bellini, et leur visage de souffrance et de pudeur. Quelques livres de photographies contemporaines ont –provisoirement- conclu la rêverie au fil des images. (Demaison, Belin…) Demaison pour le visage qui se refuse en permanence, Belin pour l’ambiguïté, l’hésitation entre artifice et naturel. Et petit à petit s’est imposée à moi la question du Portrait : Pourquoi en revenir toujours à la représentation du visage ? Au mystère des regards ? Qu’est-ce qui me bouleverse tant dans telle ou telle peinture ? (Est revenu aussi le livre de J.C. Bailly, L’apostrophe muette, consacré aux portraits du Fayoum.)

16.9.

Joué. Retour sur Paris.

Bailly : les portraits égyptiens, dont on sait si peu. Accompagnant les défunts dans le tombeau. Retenus par les bandelettes de la momie. Visages en vie, regardant. Qui ? Nous regardant aujourd’hui. Mais il y a presque 2000 ans ? Regardant rien, restant éveillés, veillant dans la tombe. Visages en vie sur des corps morts. Oscillation entre absence et présence, peut-être toujours présente dans tout portrait. Qu’il soit réussi ou raté. Tu peints le portrait d’un mort, dit Saint-Jean en colère contre celui qui tente de le représenter.

Le Mardi à Monoprix. Portrait d’une morte. Monologue de vie (quotidienne, intime) depuis la mort. Peut-être cela qui m’a fait dire de cette pièce c’est un portrait. Et non c’est un monologue, qui ne dit rien hormis qu’un seul acteur doit être engagé. " Portrait " dit autre chose. Ca dit quelque chose d’une recherche de la vérité d’un être. " Je vous dois la vérité en théâtre et je vous la dirai ".

Beau moment d’émotion aujourd’hui quand Jean-Georges Tartare, commençant son spectacle et contemplant en contrebas l’estuaire du Trieu, se retourne vers nous et dit C’est beau, non ? Le paysage. Puis après un temps de silence, ajoute : Je vous le donne.

20.9.

Obligé de s’y tenir mais pas évident. Premier déplacement, première paresse, premier renoncement.

Reprise donc, ni avec espoir, ni (avec) découragement, juste obstination, parce que je l’ai dit, je le fais, sans essayer de savoir si utile, ou inutile, intéressant ou pas, espérant un peu bien sûr, d’arriver à quelque chose, à creuser quelque chose de ce qui est ici entrepris (portraits), peut-être même d’aider à poursuivre le cheminement engagé par l’interruption de la compagnie, mais ça, écrire au jour le jour, s’obliger à, reste une épreuve.

Affiches prêtes, et flyers (comme on dit). Beau travail d’Axelle, même si de dernière minute. Travail à l’arraché, fatigue. Retard sur la Boutique aussi, OM étant coincé, propre comme figuré. Achats divers, équipement, préparatifs en tout genre, c’est l’heure des travaux fastidieux et nécessaires. Emmanuel est là, qui discute avec les uns les autres, prend des notes et des photos. Ses expos semblent bien parties, proposition aujourd’hui du Théâtre d’O d’en accueillir une pendant les représentations de l’Amélioration.

Ce sont des moments pas simples, de suractivité en roue libre, on ne sait plus pourquoi on fait, on fait, dans l’urgence, sans prendre aucun temps, ça n’est pas permis, et parfois on s’arrête et on se demande si on n’est pas sorti du chemin, si ça veut dire quelque chose, ce qu’on fait, mais il faut le faire et c’est déjà le lendemain, alors on continue.

Paradoxe : tout ici a été, voilà quelques mois, imaginé pour qu’un geste artistique (le mien) puisse se suspendre un moment et prendre son temps, laisser la place aux autres, accueillir pour pouvoir aussi profiter, regarder les autres. Et la tête dans le guidon, on grimpe l’Aubisque sans se retourner.

Que vienne la pause.

21.9.

J-7. Préparatifs qui occupent tout l’espace de la journée, toute la pensée. Aujourd’hui démarrage de l’information, envoi des mails. Tentative de concevoir des lettres plastiquement attirantes, en gardant les dessins d’Axelle, la police Karabine, et un petit laïus pas trop bête. L’idée m’est venue de faire ainsi un courrier régulier, d’information (pub ou com) et de réflexion. Il faudrait tenir ça au rythme de la manifestation, hebdomadaire. En attente toujours des tracts et affiches, lundi a priori. Ce sera du dernier moment, d’où l’importance de la rumeur dans la ville et la vitrine de la boutique.

Lecture de Théories du portrait, d’E. Pommier. Accent là aussi mis sur la différence entre les portraits d’imitation, copies du réel, et je ne sais s’il faut dire d’évocation, images du réel.

Origine mythique du portrait, les variantes autour de la jeune fille qui veut garder l’image du fiancé partant à la guerre, promis à la mort, et dont elle dessine le contour de l’ombre projetée sur le mur. L’absence comme point de départ, le vide. Ce que l’on garde pour soi n’est qu’un trait, un contour, un creux. Voulant remplir le vide laissé par l’absence, on ne fait que l’avouer davantage.

(Sans rapport avec cela, l’histoire racontée aujourd’hui à table –sur la terrasse, plein soleil- par ED, de sa visite à l’éleveur d’agneaux, qui lui a montré le hangar des agneaux près pour l’abattoir, celui des plus jeunes et celui des " animaux vides ", brebis sans petits).

Toute l’histoire des portraits ne tient peut-être qu’à masquer cet aveu d’impuissance : faire croire à la présence de la figure, à sa presque vie (il ne lui manque que la parole), quand elle n’est que le témoignage d’une perte. Peut-être ainsi se comprend la réponse de Saint Jean.

Peut-être aussi l’histoire contemporaine du portrait (une histoire contemporaine du portrait) que résume assez bien la phrase de Dubuffet : Pour qu’un portrait fonctionne j’ai besoin que ça soit à peine un portrait, à la limite de n’être plus un portrait.

22.9.

Préparation frénétique du journal et de la boutique. Pour le journal assemblage de tous les documents nécessaires, avant de passer (lundi) à la composition, pour la boutique, bricolage, nettoyage et pour se faire plaisir et aussi parce qu’il y a urgence, petite mise en scène de la vitrine, avec la vidéo des yeux. Ça fait son effet, les gens s’arrêtent, commentent. Repassé ce soir devant, encore mieux, des yeux seuls dans la nuit regardent la rue, il n’y a plus de reflets qui gênent mais il n’y a plus non plus personne dans la rue. Marvejols se couche tôt.

24.9.

Journal journal journal (chez Axelle)

Imprimerie aussi, pour sortie des affiches et tracts. Beau résultat.

Retour Marvejols. Olivier collant des cadres. La boutique en chantier.

Qu’il ne pleuve pas vendredi.

25.9.

Réveil tôt. Les nuits raccourcissent, il faut faire de la place au temps.

Maison endormie, et l’odinateur qu’on met en marche, le ronronnement du frigo, rien de plus, Mascotte même reste couchée. Un bout de journal, le réflexe du blog commence à venir, pour ouvrir la journée, après quoi l’autre journal (papier) qu’il faut boucler sous 24 heures. Hier les postes TV ont été placés dans les commerces, du moins ceux du lundi, ça continue aujourd’hui, et les affiches… Les yeux dans les yeux refuse d’être gravé, pas assez de CD, trouver solution. Reste encore à imaginer le déroulement de l’inauguration, outre les blabla (mot invariable ?) il faut quelque chose qui donne envie, et l’apéro n’y suffira pas, peut-être des portraits à décliner sous toute forme, et pour commencer des cadres de tableau où les gens se feraient prendre en photo (Olivier), appelons ça Les tableaux, ça pourrait donner un nouveau CD diffusé en vitrine. Ainsi d’expo en expo, on établirait un recensement (très partiel) de Marvejols, se prêtant au jeu des Portraits, des cercles successifs d’habitants ou de visiteurs, se superposant souvent, mais peut-être pas si réduits qu’on aurait pu croire, Ceux des Yeux, Ceux des Tableaux, Les Spectateurs, Ceux de la Mémoire, Ceux du Travail, sans doute beaucoup d’autres (les Enfants par exemple). – Et Nijinski, et la Poésie…

On y reviendra, c’est important.

On dit : un échange de regards. Ou encore : des regards qui se croisent, qui s’échangent. On dit : soutenir un regard. On dit : les yeux dans les yeux.
C'est-à-dire que ce n’est pas simple. Le regard souvent flanche, se dérobe, se détourne.
Les yeux d’autrui sont une gêne. Souvent en croyant fixer les yeux, le regard de mon interlocuteur, je me rends compte que je me trompe, que je regarde ses paupières, ses pommettes, son front, que je vais d’un œil à l’autre sans me fixer, sans regarder.
Parfois même en parlant je m’aperçois que je regarde à côté du visage, que mon regard se perd au loin.
Est que les yeux d’autrui me font peur ?
Ici,
yeux, yeux, yeux.
Jeunes, vieux, de toutes natures.
Ils sont là. Ce sont les yeux que je croise, tous les jours, à Marvejols. Que je ne regarde jamais.
Ils me regardent.
Ils m’invitent.

Vais me coucher.
Les réflexions profondes sont pour un autre jour. Bonne nuit.

26.9.

Journal bouclé dans la nuit passée, par mail et téléphone. Alea… Frais imprimé, il arrivera pile pour l’inauguration. La boutique se bâtit, aujourd’hui deuxième salle. Enregistré ce soir le texte de Darley pour les photos de Ginot. Là encore à l’arrache, ce soir, à la maison, après le repas. On réécoutera demain. Le problème est que Fabrice part pour Paris et ne revient que vendredi. Donc ça ira. Les fins de journées deviennent dures pour tout le monde.

28.9.

Chose faite. Spoutnik sur orbite.

Journée de course après le temps, mais la dernière. Prêts à l’heure dite. Boutique sur pieds, et propre.

Arrière-salle (expo Ginot) qui fait son petit effet, dans son jus de goudron, que l’on oublie grâce au papier d’Arménie.

En vitrine deux télévisions, l’une projetant les yeux dans les yeux, version noir et blanc, l’autre avec caméra en direct, filmant la rue.

Grande salle avec la photo grand format de M.G., petite table d’accueil (Fabienne), une apparition suspendue de P.W., et trois cadres de tableaux, posés contre un mur, attendant que les uns, les autres s’en saisissent pour s’y faire tirer le portrait. Olivier M. à côté, prêt à flasher. Dans la rue, punch préparé par Le Royal, bien prévu, étant donné la température en chute libre. Heureusement, pas de pluie.

Laïus obligés (Thierry, Fabrice, moi), présentant, expliquant, et comme pourrait l’écrire le Darley : « tentant donner envie ».

Journal enfin, apporté par Axelle C. et Mathias B., just in time pour être distribué après les laïus. Les gens pris au jeu des Tableaux (photos dans cadres vides), plus de 70 photos ont été prises. Ça donnera justement « Tableaux », petit diaporama vidéo diffusé dans la vitrine dès la semaine prochaine. Présents aussi les Ginot (parents), Bela Czuppon, Denis Lanoy et Vincent Leenhardt, arrivés dans l’après-midi pour poser le décor du Warhol (demain soir), JPK et les scènes croisées (Pascale, Valérie…). Présence de l’adjoint à la culture. Présence des artistes invités (Franck Vigroux, Peter Weir), de Mme Pommier directrice de l’école La Coustarade, j’en oublie sans doute, ce qui faisait plaisir, c’était que tous ceux, ou presque, qui participent pendant ces trois mois étaient là. Demain premier jour « normal » de la boutique, on verra qui poussera la porte.

29.9.

30 même, vu l’heure. (ou vue l’heure ? vérifier)

Semaine 1 écoulée, trois jours de relâche montpelliéraine. Pas de soulagement en fait, les multiples petits retards, accrocs, oublis, étant désormais à rattraper, raccommoder, réparer. Les finitions de dernières minutes, manquantes, les choses un peu trop vite achevées. Peu importe ici lesquelles, que des bricoles peut-être, mais j’ai du mal avec.

La boutique a vu son premier jour normal d’ouverture, pas désespérant, des gens passent et s’arrêtent, pas en permanence mais c’est plutôt encourageant. Parfois il faut aller les chercher sur le pas de la porte, ils sont là en arrêt devant une télévision et des yeux qui les regardent, ou bien à consulter intrigués les programmes placés dehors, alors il faut expliquer, dire que dedans il y a des choses à voir, ça ne prend pas beaucoup de temps, dix minutes pas plus, c’est des photos, voilà, mais ça sera d’autres choses, plus tard, il faudra revenir, tout est expliqué dans le journal, prenez-le, et si vous voulez vous pouvez nous laisser vos coordonnées, surtout mail, c’est plus facile, pour avertir.

Problèmes de vidéo, de définition d’images. Pas satisfait non plus totalement de l’enregistrement réalisé du texte de Darley. Il faudrait prendre plus le temps, refaire, tout sur un souffle, petites voix lointaines, plus détachées des photos qui défilent, plus lointaines. C’est du temps qui passe, ces photos, il est passé depuis longtemps pour ces voix-là. Ce sont des voix de mémoire, qui ressassent les mêmes souvenirs. Les premiers et les derniers mots sont les mêmes (qu’est-ce que tu dis ?) on peut penser être revenu sur les mêmes traces, que le dialogue sans cesse recommence, et c’est le cas puisque la vidéo est en boucle. Les souvenirs ressassés ce sont ces photos. Texte de nostalgie, de perte. Il faut revoir cet enregistrement, si le temps nous le permet. La difficulté aussi est de caler les phrases sur les photos. Darley dit qu’il a regardé le diaporama de nombreuses fois d’affilée, puis l’a arrêté et écrit le texte. Il y a donc des phrases écrites dans le souvenir de telle ou telle photo, mais pas forcément dans l’ordre de ces photos. Faut-il essayer de retrouver ce qui coïncide, ou bien oublier les superpositions d’origine et laisser faire les associations de pensée ? Les deux sont nécessaires et à peu près inconciliables. Repenser à ça. De toute façon, ces portraits, je m’en rends compte, ont plusieurs buts. Le premier est immédiat, c’est de réaliser des choses regardables, entendables, malgré l’urgence, le second est pour plus tard, c’est d’y repenser, d’y revenir, de rectifier. Il faut s’autoriser ce luxe-là, ne pas être satisfait et refaire, ce n’est pas si fréquent. On peut aussi être satisfait, parfois, bien sûr, ça fait du bien, si du moins on a des raisons d’être satisfait, mais si on ne l’est pas, pas complètement, au fond c’est une chance, il faut la saisir. On cherche toujours.

Visionné les tableaux, aussi, photos de l’inauguration. Les gens sont joyeux de se prendre au jeu, ça se voit sur tous les visages, c’est bien, c’est cette envie qui fonde cette petite exposition télévisuelle à venir, pas plus. Même les photos floues sont à garder, elles disent quelque chose du plaisir pris à se faire prendre.

Warhol. J’aime ce spectacle. Pourtant il n’était pas ce soir (me semble-t-il) au meilleur de ce qu’il peut être. Sans doute la reprise (pas joué depuis deux ans) y est-elle pour quelque chose. Vincent un peu tendu (lui c’est la salle qu’il a trouvée tendue) alors que j’avais il y a deux ans assisté à une représentation de fin de série, le rythme était pris, l’invention du moment, la liberté de l’acteur, sans doute plus grandes. Ce qui fait que le début, (propos superficiels, sans intérêt, de pure mondanité, détails insignifiants), n’apparaissait ce soir que pour ce qu’il était, alors qu’il peut y avoir un vertige ressenti à l’écoute de ces fadaises. Mais la surenchère de tics corporels de l’acteur et le relâchement de la première parole, sa mollesse, son manque d’articulation, bien que compréhensible en terme de parcours de personnage, sont de véritables obstacles à l’écoute. Trop bas aussi le volume du début, autant d’approximations dues à la reprise, qui ont atténué la portée du spectacle. D’autant plus dommage que la seconde partie consacrée à l’art de Warhol, à sa fascination pour le toujours identique (le rêve d’animer une émission de télévision qui s’appellerait Rien de spécial !), pour ce qui n’a pas d’intérêt (dont lui), et à la permanence des obsessions d’argent est réellement très belle, sans parler du grand moment final de rien, où l’acteur s’arrête presque, pendant la longue, très longue, trop longue écoute du dernier morceau musical.

Photo prise par ED, septembre, bureaux du TMT

septembre

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