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portraits
24 octobre 2007

31

Je lis un bouquin sur le tableau de van Eyck, le portrait dit "des époux Arnolfini". Au fond, que v E. représente un couple de marchands italiens ou bien se représente avec sa femme ne change pas grand chose. On peut, si c'est bien lui-même qui y figure, se dire que c'est une forme raffinée de l'autoportrait; on peut s'amuser du jeu du miroir qui devrait le refléter peignant mais ne montre que deux visiteurs; etc... mais est-ce que c'est cela que l'on regarde? Que v.E. ait cette tête-là, plutôt qu'un drapier, ou Cézanne, ou van Gogh, ou qui que ce soit, on s'en bat l'oeil. Est-ce que le modèle nous importe encore, sept siècles plus tard? Est-ce que le modèle importe, quel que soit le portrait? Le vieil homme de Tintoret, le nègre de la Tour, Chardin lui-même en tant qu'homme (pour rester au musée d'Orléans), nous indiffèrent.
Ce qui m'intéresse, c'est le regard de Tintoret sur le vieil homme, ou celui de v. E. sur un couple dans son appartement. Ce sont les yeux mi-clos de l'homme et de la femme, c'est la miniature élégante des mains, c'est la mélancolie de la lumière et l'impossibilité de savoir si le tableau est triste ou serein.
Le portrait condamne le modèle à disparaître, à s'effacer derrière sa représentation. Le modèle est toujours déjà mort. Dès que le tableau est peint. (La légende dit l'inverse: le modèle étant condamné à disparaitre -le fiancé qui part à la guerre- la jeune fille en garde le portrait, le contour de son ombre sur le mur). Mais de toute façon, le modèle, une fois représenté, a disparu. Un portrait ne représente personne. Qu'une absence. Un souvenir, peut-être, mais pour peu de gens, et pour peu de temps. Le portrait doit vivre sans son modèle, dans ce deuil-là.
Sans doute pour cela que ceux du Fayoum sont plus portraits qu'aucun autre.

van_eyckla chambre des époux fayoumportrait du Fayoum

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